Wednesday, July 1, 2009

SOFA - status of force agreement

SOFA : LA GRANDE MANIP
par Gilles Munier (Afrique Asie – juillet 09)

Les Irakiens qui croyaient qu’on les consulterait par referendum, fin juillet, pour valider le SOFA - Status of force agreement, le pacte sécuritaire avec les Etats-Unis - voté par les parlementaires le 27 novembre 2008, en sont pour leurs frais : le Premier ministre Nouri al-Maliki en a décidé autrement, en accord avec Barack Obama. La consultation est reportée à janvier 2010, « faute de temps et d’argent », ce qui ne convainc évidemment personne.

Jusqu’au 31 décembre 2008, l’occupation de l’Irak par les Etats-Unis était entérinée par des résolutions de l’ONU. Pour éviter de se retrouver dans une situation juridique délicate, Washington se devait de négocier, avec le gouvernement irakien, un accord précisant les formes que prendrait, après cette date, la présence militaire américaine dans le pays.

Double langage
Après des mois de tractations, le texte soumis aux députés comportait des formulations ambiguës permettant des interprétations « flexibles » afin que personne ne perde la face. Malgré cela, le 27 novembre dernier, 198 sur 275 parlementaires s’étaient fait porter malade ou avaient éprouvé l’impérieux besoin d’effectuer leur pèlerinage à La Mecque ! Le texte était passé par 149 voix pour, et 35 contre. Pour : celles d’al-Dawa, du Conseil suprême islamique d’Abdul Aziz al-Hakim et des deux partis kurdes. Des membres du Front de l’accord irakien, coalition de partis sunnites, avaient négocié leur soutien au gouvernement en obtenant l’organisation d’un referendum national fin juillet 2009. Contre, principalement : les partisans de Moqtada Sadr. L’Ayatollah Sistani, qui exigeait un semblant de consensus national, donna son aval à l’opération.

Depuis ce vote au Parlement, à Bagdad, dans les milieux pro américains, la mode est plus que jamais au double langage : se présenter au peuple en ardent défenseur de la souveraineté nationale, et assurer Washington, discrètement, qu’il faut maintenir dans le pays une présence militaire conséquente.

Ainsi, le 30 juin, comme l’exige le SOFA, les troupes d’occupation se retireront des villes, mais pour se positionner… à leur lisière ! Interrogés sur le nombre de soldats qui seront maintenus, le général Ray Odierno, commandant de l'US Army en Irak, a répondu : « très petit », et Ali al- Dabbagh, porte- parole du gouvernement, que ce sera « fonction des besoins ». En d’autres termes : les GI’s ne quitteront pas vraiment les villes. L’accord de sécurité les autorise, d’ailleurs, à intervenir partout, sous couvert de chasse aux terroristes d’al-Qaïda au Pays des deux fleuves, vocable englobant toute la résistance. La construction de quatorze nouvelles bases est même à l’étude, dont une baptisée « Joint Security Station Comanche » en bordure de Sadr City. Firyad Rawndouzi, membre du Comité sécurité et défense du Parlement, estime nécessaire un « soutien américain » dans le « zones instables », les opérations militaires se déroulant – au moins sur le papier - en coordination avec l’armée et le gouvernement irakiens. Massoud Barzani est le seul à se déclarer pour le maintien des troupes américaines et à proposer, si nécessaire, la construction de bases de repli dans la région kurde qu’il préside.


« Bagdad s’enflammerait »

Le Président Obama a annoncé le retrait des troupes américaines d’Irak pour le 31 août 2010, soit seize mois avant la date fixée par le SOFA. Mais, de 35 et 50 000 soldats y demeureront pour une période indéterminée, comme prévu par Dick Cheney, pour conseiller et former les troupes irakiennes, et mener « si nécessaire » des opérations « limitées » contre les « terroristes ». Lors du vote à l’Assemblée, ces points avaient été cachés, délibérément, à la plupart des députés et à l’opinion publique. Désormais connus de tous, les non-dits du SOFA annonçaient une campagne référendaire explosive. Le non ne faisait aucun doute et ce, d’autant plus, qu’Obama avait décidé de publier les photos des tortures infligées aux Irakiens par la CIA et la soldatesque étasunienne. C’en était trop pour Nouri al-Maliki. En apprenant la nouvelle, selon un officiel américain présent, le Premier ministre irakien était devenu « blanc comme neige » et déclaré que si la décision était maintenue : «Bagdad s’enflammerait ».

Depuis que Barack Obama a interdit la publication des photos - « pour ne pas mettre en danger les troupes américaines » -, Nouri al-Maliki peut jouer à nouveau au nationaliste à poigne. Il lui restait à échapper au rejet du SOFA par le peuple irakien. Dès mars dernier, Sadiq al-Rikabi, son principal conseiller, avait préparé le terrain en déclarant que le referendum n’était plus nécessaire en raison des engagements pris par Obama. Puis, Faraj al-Haidari, président de la Commission électorale a réclamé 90 millions de dollars pour l’organiser. « Trop cher ! » a dit le Premier ministre et le report du scrutin a été annoncé. Son annulation pure et simple était trop risquée : elle aurait nécessité la convocation du Parlement et provoqué des débats houleux susceptibles de déstabiliser le gouvernement.

D’ici le 30 janvier 2010 - date des législatives–referendum - il faut s’attendre à de nouvelles manipulations de l’opinion autour du SOFA. Nouri al-Maliki se montrera très attentif à la façon dont l’armée américaine respecte l’accord, comme il l’a fait en avril en condamnant un raid US sur Kout et en réclamant – pour la galerie - le passage des militaires impliqués devant un tribunal irakien. Fin manœuvrier, il pourrait, cette fois, demander la négociation d’un nouveau texte. Dans ce cas, son succès électoral est assuré.

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Un pavé dans la mare, signé Nouri al-Maliki

Où s’arrêtera Nouri al-Maliki? Présenté comme le grand vainqueur des élections régionales, il s’apprête à remporter les législatives, inversant au sein de la coalition chiite pro-iranienne l’équilibre des forces en faveur de son parti al-Dawa. Celui que George W. Bush présentait aux anciens combattants du Kansas, en août 2007, comme « un brave type, un brave homme, avec un boulot difficile » qu’il fallait soutenir, se sent pousser des ailes. Avec l’aide des Etats-Unis… et de l’Iran, il se verrait bien présider le pays, sans véritable partage.
Le 19 mai, interviewé par la chaîne de télévision Al-Hurrah financée par Washington, il a critiqué le système de prise de décision par consensus, et dénoncé les quotas de représentativité dans les rouages de l’Etat, basés sur l’origine ethnique ou religieuse comme une « catastrophe ». Puis, il a fait sensation en se déclarant favorable au retour d’un régime présidentiel en Irak.
Les partis kurdes l’ont aussitôt accusé de vouloir modifier la constitution pour monopoliser le pouvoir au profit des Arabes. Les sunnites ont vu dans sa déclaration une tentative pour les marginaliser définitivement. Le mot « totalitarisme » a été prononcé. Pour calmer le jeu, Abbas al-Bayyati, un député proche du Premier ministre, a évoqué l’organisation d’un referendum, envenimant un peu plus le climat politique. A Bagdad, il ne fait de doute pour personne que Nouri al-Maliki a lancé un ballon d’essai et qu’en cas de victoire électorale en janvier prochain, il mettra son projet à exécution.

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Guerre d’Irak : c’était bien une croisade !

George W. Bush avait clairement dit, après les attentats du 11 septembre, que sa guerre contre le terrorisme était une « croisade du Bien contre le Mal ». Devant l’émoi suscité par cette évocation dans les pays musulmans, le Département d’Etat avait tempéré le propos en disant qu’il s’agissait en fait d’une « croisade pour de droit ». Le terme avait ensuite disparu du langage du président des Etats-Unis, ce qui ne l’empêchait pas de truffer ses discours de citations bibliques et de déclarer que Dieu l’avait investi d’une mission sacrée contre les « Etats voyous ». Sa guerre contre l’Irak revenait, officieusement, à débarrasser ce pays d’une sorte d’Antéchrist, justification utile aux néo-conservateurs pour faire passer au second plan le pétrole et la défense d’Israël.
Mais, dans le premier cercle entourant Bush, il était toujours bien question de croisade. C’est ce qu’a révélé le magazine étasunien CQ, qui suit les activités du Congrès : les couvertures des rapports « top secret »* décrivant le déroulement de l’invasion, adressés par Donald Rumsfeld, secrétaire d’Etat à la Défense, à la Maison-Blanche faisaient, toutes, référence aux livres de l’Ancien Testament ou à l’Epître de Paul aux Ephésiens. John Burton, conseiller politique de Tony Blair pendant 24 ans, affirme dans son livre « We Don't Do God », que le Premier ministre britannique percevait, lui aussi, la guerre d’Irak comme une « nécessité biblique ». Une croisade anglo-saxonne donc, de bout en bout : jusqu’à l’échec !

* Les couvertures des rapports du Pentagone sont sur : http://men.style.com/gq/features/topsecret

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